« The Joneses » ou l'art d'influencer

Publié le par Dominique Sébrié et Patrick Cuenot

« La plus grande imposture du Diable a été celle de faire croire qu'il n'existait pas ».

Cette formule de Roger 'Verbal' Kint pourrait s’appliquer à l’Intelligence Economique, dont l’existence ou l’utilité en entreprise est parfois contestée. Pourtant, elle se révèle parfois où on ne l’attend pas, y compris au sein de  nos loisirs. Sorti en France aujourd'hui, le 17 novembre 2010, le film « The Joneses » en constitue l’exemple le plus récent. A peine installée, la sympathique famille Jones et sa maison aux équipements dernier cri suscitent l’engouement du voisinage, au point de devenir LA référence. Mais la façade se lézarde : cette famille idéale se compose, en fait, d’employés d’une société de marketing, dont l’installation dans cette banlieue chic n’a d’autre but que la promotion des objets présentés dans leur maison. Ce film, sous couvert de divertissement, dévoile le vrai visage du marketing : celui d’une technique de communication d’influence, un des champs de compétence de l’Intelligence Economique.  


 Une influence qui vient de loin

 Le titre de ce film tire son origine de l'expression américaine « keeping up with the Joneses » qui signifie faire des efforts pour rivaliser ses voisins en terme de richesse et de connaissances. Cette expression est apparue en 1913, par le dessinateur Arthur R. MOMAND, pour le titre d'une série dans le journal New York Globe. Il s’est inspiré du mode de vie quotidien dans son quartier. Cette bande dessinée raconte l'histoire d'une famille (les MCGINIS) envieuse de ses voisins (les JONES). Cette bande dessinée est devenue populaire avec le rêve américain et a été adaptée dans des livres, des comédies musicales, des dessins animés et ... des films ou séries TV (« Keeping Up with the Joneses »[1]). Depuis, «the Joneses» est devenu un nom générique pour désigner « les voisins ».

En remontant encore le temps, on retrouve le livre «Letters to the Joneses  » écrit en 1863 par Timothy TITCOMB. Il répond là à ses nombreux lecteurs, les habitants de Jonesville, pour présenter ses conseils en termes de mode de vie et de traits de caractère.


 De Tupperware aux réseaux sociaux

Plus généralement, la « famille Jones » joue sur deux techniques d’influence, le benchmark et le « street marketing ».

 

Le benchmark est généralement connu comme technique ponctuelle d’observation, à partir de sources ouvertes, et d’analyse comparative des pratiques d’une entreprise. Elle permet aux entreprises de comparer leurs pratiques managériales, marketing ou commerciales, mais aussi de cerner les failles d'un concurrent, notamment en déclenchant des incidents pour observer ses réactions. L’originalité du film est de présenter le benchmark comme technique d’influence, en invitant les consommateurs à évaluer leur niveau d’équipement par rapport à celui de consommateurs-référent, ou présentés comme tels.

 

Quant au « street marketing », il s’agit d’une technique de promotion d’un produit ou d’une marque dans un lieu public en vue de sensibiliser une cible généralement urbaine. Le but est d’attirer l’attention d’un consommateur saturé de messages publicitaires, en lui proposant une relation de proximité avec la marque. Proximité assurée par la « famille Jones » grâce à l’organisation d’événements au sein même de leur domicile, transformé pour la circonstance en « lieu public », et de la fraternisation avec les voisins. Voilà qui rappelle les réunions Tupperware… Comme le souligne Cédric DENIAUD dans son billet « Le pouvoir de l’influence : mes amis avant des inconnus », l’influence passe par la relation et la proximité. Une notion parfaitement appréhendée par les marques qui utilisent les réseaux sociaux, lieux publics par excellence, comme vecteur d’influence pour s’y constituer des communautés d’ambassadeurs de la marque qui relaieront leur message.

 

Dans ce film, les personnages principaux, les « Jones », révèlent leurs atouts, mais aussi leur vulnérabilité. Chaque membre de la famille maîtrise son domaine, car chacun sait acquérir et exploiter les bonnes informations/réseaux avant les autres. Ils connaissent bien leurs cibles grâce à la proximité entretenue, en inspirant une mode/norme de société. Cependant, l’incapacité à gérer les conflits internes fera éclater le groupe. En outre, le manque de transparence envers les consommateurs se révélera être le talon d’Achille de leur campagne de promotion.

 

Ce film illustre, de manière flagrante, que l’influence, champ de compétence de l’Intelligence Economique n’est pas une vue de l’esprit. L’Intelligence Economique est donc bien présente dans l’environnement économique au sein duquel les acteurs économiques (consommateurs, concurrents…) entretiennent des relations avec l’entreprise. Elle y avance toutefois sous des déguisements et des masques divers. Comme le Diable…

 


Liens internet :

http://www.jonesnyhistory.com/phrase.html

http://quotes.dictionary.com

http://en.wikipedia.org/wiki/Keeping_up_with_the_Joneses

http://www.stern.nyu.edu/eco/seminars/Ravina.pdf

http://idioms.yourdictionary.com/keep-up

http://dictionary.reference.com/browse/keeping+up+with+the+Joneses

 

Lien vers un dessin animé pédagogique sur le phénomène « keeping up with the Joneses » :

http://www.youtube.com/watch?v=vGiSaSHBAe

http://ten.com.au/Joneses-18092.htm

http://books.google.fr/books?pg=PA13&dq=%22letters+to+the+joneses%22&id=oA8-AAAAIAAJ#v=onepage&q&f=false

Publié dans Cinéma

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